samedi 30 octobre 2010

"L'Arbre des larmes" (Elena Buric). Histoire à lire, à réécrire ou à raconter


  

         Il était une fois un royaume lointain, ravagé par la sécheresse, la pauvreté, la maladie et la tristesse. Tout paraissait mort, sous le grand soleil meurtrier ou sous le vent dévastateur. Aucune goutte de pluie. Les rivières et les lacs, autrefois si abondants, étaient complètement secs. La végétation avait presque disparu: toute récolte était peine perdue, rien ne poussait plus; çà et là, des troncs recroquevillés, secs et inutiles, ne rappelaient nullement les beaux arbres qu'ils avaient été jadis, restant comme de tristes reliques d'une époque qui commençait déjà à s'estomper dans le souvenir. Comme les quatre saisons aussi, transformées dans un monstre à l'aspect atroce.

        Impuissant, le roi souffrait de voir son peuple dépérir. Il aurait donné sa vie pour lui rendre la prospérité d'autrefois et l'espoir. Il avait fait venir des érudits, des magiciens, il avait présidé à des rituels anciens censés adoucir la colère des dieux et apporter la pluie sacrée. En vain.

  Dans un coin de ce royaume malheureux vivait une jeune famille. Ce n'était plus la pauvreté leur pire malheur, mais la l'agonie de leur petite fille moribonde.

  Un jour, un étranger harrassé et tout en guenilles frappa à leur porte et leur demanda humblement quelques gouttes d'eau pour mouiller un peu ses lèvres. Les parents le regardèrent affolés. De l'eau! Ils s'en privaient eux mêmes, sans regret, afin de garder le reste de liquide précieux pour leur enfant. Malgré leur nature généreuse et charitable, ils hésitèrent, tout en regardant leur fillette aux yeux presque éteints. Pourtant, la pitié triompha et ils invitèrent l'étranger à se reposer. Ils lui offrirent un petit gobelet d'eau et une croûte de pain. Profondément ému, l'inconnu sortit de sa besace un petit sachet et le leur offrit en disant:

-  Votre grandeur d'âme est pour moi le plus grand trésor. Tenez, vous le méritez! Ce n'est pas grand-chose, mais ça pourrait l'être un jour.

  Avant de partir, il caressa le front de l'enfant et, le gobelet à la main, il mouilla les lèvres et les yeux de la petite. Il les remercia et partit, illuminé par un doux sourire.

   Les parents ouvrirent le sachet et y virent quelques graines. Ne sachant pas qu'en faire, ils creusèrent tant bien que mal la terre aride de leur jardin et, le coeur lourd, ils versèrent de chaudes larmes. Ils restèrent stupéfaits: c'était un miracle de pouvoir encore pleurer. La douleur avait séché jusqu'à leurs larmes.

   Quand ils se réveillèrent le lendemain, ils constatèrent que leur fille n'était plus dans son lit et une crainte affreuse s'empara d'eux. Ils se précipitèrent dehors et aperçurent la merveille: leur fillette, saine et sauve, battait des mains et chantait, transportée par une joie indescriptible. Devant elle, au même endroit où ils avaient enterré les graines, poussait un arbre qui paraissait vivant. Il avait tantôt l'aspect d'un homme, tantôt l'aspect d'une femme et son feuillage était magnifique.

   En quelques instants, leur jardin se remplit d'arbrisseaux. On entendit le chant joyeux des oiseaux. Les gens des alentours vinrent voir le miracle, ne pouvant pas en croire leurs yeux. Jusqu'à midi, les arbres vivants faisaient la joie de tout le royaume.

  La fillette embrassa ses parents, comme si elle avait connu le secret de cette véritable magie.

  Et il commença à pleuvoir.

Les gens sont encore là, à danser, heureux, dans la pluie, et à prendre racine, tels des arbres enchantés, dans le sol de la magnanimité.


(Ce fragment fait partie d'un volume en chantier; tous droits réservés)

   

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