"Enseigner, ce n'est pas remplir un vase, c'est allumer un feu" (Montaigne)
On le sait très bien, enseigner est plus qu'une profession, c'est une vocation. Cela revient aussi à dire que faire ce métier, continuer de le pratiquer malgré les difficultés de tout genre, suppose un dévouement exceptionnel. Parce qu'un enseignant est d'abord quelqu'un qui aime offrir. Pour qui l'Autre constitue sa plus forte raison d'être. C'est, à mon avis, l'une des plus belles formes de générosité, d'altruisme: partager ses connaissances et donner envie aux autres d'apprendre et de se cultiver tout au long de la vie. En même temps, un professeur véritable apprend lui-même tout le temps et adore le faire, puisqu'ils sait mieux que personne que c'est en s'instruisant soi-même que l'on arrive à instruire les autres. A les éduquer.
Je ne m'attarderai pas sur la mission noble du professeur, sur son rôle social majeur, aspects qui mériteraient d'ailleurs d'être plus souvent discutés, mais sur la condition actuelle de l'enseignant. Comme je connais plutôt mal la situation des enseignants d'autres pays, je me rapporterai à celle de Roumanie, où le prestige du professeur est en chute libre, alors qu'on le transforme de plus en plus dans une sorte de yo-yo, dans un "jouet des pouvoirs", selon l'expression d'un dramaturge roumain, un fonctionnaire bon à tout. Il est en fait celui dont on n'aime presque jamais parler quand il y a des faits positifs à signaler, mais qu'on blâme vivement en toutes occasions. En effet, le professeur roumain est perçu comme le bouc émissaire de tous les échecs sociaux. Vilipendé, vitupéré par les parents qui, eux, ne s'occupent presque plus de leurs enfants ("On a du travail, nous! C'est votre devoir à vous de vous charger de son éducation!"), discrédité par les médias qui cherchent surtout les mauvais exemples (de quoi alimenter le cercle vicieux ou le jeu du type "Trouvez le coupable!"), le professeur a beau essayer de se défendre. On n'entend pas sa voix. C'est vrai: tous les professeurs ne sont pas pareils, tous ne sont pas méritants. Néanmoins, la tendance à généraliser les mauvaises pratiques et à coller une même étiquette sur tous me révolte.
A l'encontre des déclarations des officiels (dont la langue de bois pollue chaque jour les médias), des promesses ridicules (à la veille des élections...), la condition de l'enseignant roumain ne cesse de se détériorer. Professeurs et bénéficiaires de l'enseignement sont, en fait, les victimes d'un système d'enseignement inefficace, qui n'a rien appris après plus de 25 ans d'expériences mal abouties. Un système qui devient le miroir d'une société en dérive (et vice-versa...)
Côté salaire: un professeur débutant gagne en Roumanie 250 € par mois, alors qu'un enseignant ayant plus de 30 ans d'expérience ne peut dépasser 700 € par mois (après les dernières rectifications des salaires, ce qui veut dire la dernière "augmentation"). Et cela dans les conditions où les tâches des enseignants sont de plus en plus nombreuses, certaines n'ayant aucun rapport avec l'éducation. Je trouve également un peu drôle le fait qu'on a l'habitude de jalouser les professeurs pour les vacances et le temps libre, alors que personne (ou presque) ne mesure le temps dont un enseignant a besoin pour préparer ses activités, pour se documenter, etc. Excepté ses confrères, seule sa famille le sait, puisqu'elle est souvent négligée en faveur de l'école...
La situation est encore pire dans les milieux ruraux: déficit de professeurs, manque de conditions matérielles, d'équipements, décrochage scolaire...
Comment se plaindre alors que nos meilleurs élèves s'en vont ailleurs ou veulent le faire, dans d'autres universités du monde, en fuyant ainsi un système qui n'est pas censé les valoriser? Que le métier d'enseignant est considéré par beaucoup de jeunes rébarbatif? Il faut donc du courage, du désespoir ou de la passion aveugle pour être enseignant en Roumanie...
Je le sais, il y a toujours pire. Il y a des pays où les enfants n'ont pas accès à l'éducation, où enseigner devient un acte héroïque. Où les enseignants gagnent beaucoup moins. Où la dicrimination frappe les milieux scolaires aussi. Où l'égalité des chances est un conte à dormir debout. C'est d'abord à ces personnes défavorisées que je veux rendre hommage. Je le fais humblement.
Un grand merci à mes professeurs, à mes élèves aussi, puisque je ne serai rien sans eux!
Je souhaite à tous les professeurs du monde "Bon anniversaire!", beaucoup de succès dans leur activité, bon courage et bonne continuation! Vive les enseignants!
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